La vie dans une goutte d’eau

Le mouvement végétal, une norme oubliée

Dans les acquis que nous pensons avoir sur la vie en général dans la nature, nous en avons plusieurs : les méduses n’ont pas de cerveau, les baleines sont des mammifères, les araignées ont huit pattes… Et puis, les végétaux ne savent pas se déplacer lorsque les animaux en sont capables. Il y a seulement un hic dans ce qui nous semble logique, c’est que la nature crée souvent des exceptions et le mouvement végétal en est une qui existe depuis (très) longtemps.

Une particularité très curieuse

Si nous trouvons qu’une plante se déplaçant d’elle-même est quelque chose d’incroyable et de nouveau, sachez que ce n’est le cas que dans notre imaginaire… et chez les microalgues. Bien sûr, ceux qui les connaissent ne l’apprennent pas, mais nous sommes entourés par ces végétaux mobiles, dans les mers, les rivières, les flaques d’eau, les seaux d’eau croupie…

Il existe des milliers d’espèces sachant se mouvoir à des vitesses relativement étonnantes. Comme dit avant, ce sont les microalgues qui se déplacent, planctoniques ou non (les autres évoluant sur un substrat sont nommées « microphytobenthos »), et ce, de différentes manières. La plus grande sachant le faire n’excède sûrement pas le millimètre, ce qui entretient le « mystère » autour de ce fameux pouvoir.

Faisons un saut dans le temps

Pour bien comprendre à quel point le déplacement est commun chez une partie du monde végétal aujourd’hui, il faut retourner en arrière, à quelques centaines de millions d’années d’ici. Les premières diatomées seraient apparues il y a environ 350 millions d’années, mais ce sont d’abord celles à symétrie centrique qui se sont développées mais qui étaient (et le sont encore) incapables de se mouvoir. Ce serait plusieurs dizaines de millions d’années que les diatomées bilatérales seraient apparues avec leur raphé, leur donnant la capacité de glisser sur un substrat. Ces algues à squelette siliceux ne sont qu’un exemple parmi d’autres, car les euglènes seraient aussi vieilles qu’elles, c’est-à-dire quelques 200 millions d’années. Enfin, le dernier exemple est celui des dinoflagellés et qui est sans doute le plus ancien des trois cités : environ 400 millions d’années (bien que d’autres sources contestent cette période et poussent jusqu’à -540 ma via des traces de ce qui s’apparente être des thèques fossilisées). Ces végétaux aux origines très lointaines nous prouvent ainsi que la locomotion était déjà d’actualité, mais pas les microscopes.

Un plus petit saut dans le passé

C’est il y a 300 ans que les diatomées ont été observées pour la première sous un microscope par le chercheur hollandais Antoni Van Leeuwenhoek, en les confondant d’abord avec des cristaux. Puis, un siècle plus tard, le zoologiste allemand Chirstian Ludwig Nitzsch étudie les diatomées en les considérant pour la plupart comme étant des… animaux, le déplacement de ces végétaux faussant ses premières observations. Après avoir compris la nature végétale des diatomées, c’est encore plus d’un siècle plus tard que des études sont parues sur leur mystérieux pouvoir, notamment sur les genres navicula et gonphonema. Aujourd’hui, et ce pour la plupart des végétaux mobiles, leurs moyens de locomotion ne sont plus un secret mais continuent de soulever quelques interrogations.

Comment se déplacent-ils ?

Les espèces de microalgues sachant se déplacer sont nombreuses mais seulement quelques techniques existent, deux principalement : l’écoulement de mucilage pour les diatomées pennales à raphé et l’utilisation d’un ou plusieurs flagelles chez les euglènes ou les dinoflagellés (et bien d’autres).

Chez les diatomées, un écoulement mucilagineux se fait à partir du raphé et adhère au substrat sur lequel l’algue se trouve. S’ensuit un mouvement circulaire tout autour de l’individu qui lui permet de glisser sur ce substrat, que ce soit une roche, une algue plus grande ou bien sur la lame sur laquelle nous l’observons. Bien que cette technique soit encore remplie de mystère pour les scientifiques, nous pouvons facilement observer ce phénomène au microscope et ainsi voir des algues faire des allers-retours pour une vitesse dépassant parfois les 20µ/s (soit à peu près 7.2 cm/h). Les plus grandes diatomées à pouvoir se déplacer sont sans doute les gyrosigma et les pleurosigma (jusqu’à 500µm) qui vont jusqu’à tout pousser autour d’elles lors de leur balade « à l’aveugle ». 

Chez les dinoflagellés, comme leur nom l’indique, ce sont des êtres à flagelles qui, en se déplaçant, virevoltent comme une toupie (dinos en grec peut signifier « tournoiement »). Ils possèdent deux flagelles disposés de manière perpendiculaire et leur permet de réaliser différents déplacements. C’est une caractéristique propre à ce groupe riche de plusieurs milliers d’espèces où l’on peut voir directement au microscope ce petit flagelle mince d’à peine 1 à 5 microns tournoyer dans tous les sens, le deuxième restant « caché » dans la cellule végétale.

Chez les autres groupes tels que les euglénophycées, cryptophycées, chrysophycées, synurophycées ou autres dictyochophycées, les deux flagelles sont également présents pour tout déplacement dans les milieux aquatiques environnants.

Tous ces exemples pour quoi ?

Chez les scientifiques comme ailleurs, on a souvent tendance à mettre des animaux, végétaux et autres êtres vivants dans des boîtes pour mieux les ranger et avoir une idée à peu près stable de ce qui nous entoure. Mais avec le temps, nous remarquons qu’il faut corriger ici et là et surtout, que nous avons mélangés deux mondes pas nécessairement toujours compatibles : le monde terrestre et aquatique. Où trouverons-nous des plantes se déplaçant d’elles-même sur terre à des vitesses remarquables à l’oeil nu ? Que nous trouvons des animaux sans cerveau ? Ce qui nous paraît logique de par nos perceptions apprises sur terre ne l’est pas en milieu aquatique, mais il n’y a rien de nouveau dans ces milieux marins ou dulcicoles.

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