La vie dans une goutte d’eau

Le Mnemiopsis, élégant et dangereux

Ce plancton, souvent méconnu du grand public, est en apparence un être vivant gracieux aux cils décomposant les rayons de la lumière en arc en ciel. Pourtant, de par ses facultés intrigantes voire même effrayantes, sa présence fait trembler ses proies, mais aussi les scientifiques et les pêcheurs.

Un gélatineux, mais pas une méduse

Composé à environ 95% d’eau, le mnemiopsis fait partie de ce groupe communément appelé « gélatineux », mais n’est en aucun cas un proche parent de la méduse. Contrairement aux mauvaises surprises que réservent les méduses aux baigneurs via leurs cellules urticantes, le mnemiopsis possède lui des « colloblastes », cellules non pas urticantes mais collantes, une autre technique de chasse. Il appartient donc à l’embranchement des cténaires, organismes à symétrie radiaire possédant huit rangées de peignes ciliés, chassant à l’aide de deux tentacules adhésifs, celle qui pourrait être la plus connue de ce groupe est la groseille de mer, de la taille d’une bille d’un centimètre de diamètre.

Ci-dessus: 1/ Un mnemiopsis 2/ Un beroe, autre cténaire 3/ Des groseilles de mer pêchées au filet

Une biologie impressionnante et inquiétante

Les cténaires sont carnivores, et le mnemiopsis est loin de déroger à la règle, car il dévore une quantité énorme de zooplancton : copépodes, œufs et larves de poissons ainsi que de cnidaires. Ensuite, suivant la taille de sa proie, il utilisera ses deux tentacules pour les plus petites et ses lobes oraux –voyez ça comme une bouche- pour les plus grosses. Très vorace, un individu peut manger l’équivalent de 10 fois son propre poids en une journée ! Une capacité d’assimilation frappante accompagnée d’une reproduction… affolante.

Hermaphrodite, cet animal possède ovules et spermatozoïdes et peut s’autoféconder, un individu seul peut donc être premièrement l’origine d’une population. Deuxièmement, une larve donne en seulement 24h un adulte miniature et ce dernier se reproduira au treizième jour de son existence. Enfin, un individu, suivant sa taille, pondra chaque jour d’un à une dizaine de milliers d’œufs.

La mer noire, noire de mnémiopsis

De son régime alimentaire aux appétits d’ogre à sa reproduction effrénée, ajoutez à son potentiel invasif une absence totale de prédateurs naturels et vous aurez une catastrophe écologique sans précédent. C’est ce qui est arrivé dans les années 1980 en mer noire, via les ballasts des bateaux remplis d’eaux des mers du Nord-Est américain, « mer » d’origine de mnemiopsis leydii. Sans un prédateur naturel pour le réguler, ce cténaire s’est propagé et a dévoré tout le plancton animal, annihilant la quasi-totalité des populations piscicoles, stoppant ainsi la grande majorité des activités de pêche dans ces eaux. Pour ainsi dire, des populations comme celle du maquereau avaient totalement disparues, descendance dévorée accompagnée d’une concurrence à la nourriture incontrôlable.

Quelques chiffres : (Source : l’INA)

-Anchois : de 204 000 tonnes en 1984 à 200 tonnes en 1993

-Sprat : de 24 600 tonnes en 1984 à 12 000 tonnes en 1993

-Maquereau : de 4 000 tonnes en 1984 à 0 en 1993

Pour vaincre ce fléau, perturbant l’économie et l’écologie sur différents points comme l’équilibre de la chaîne alimentaire, des scientifiques ont introduit certains de ses prédateurs comme le beroe, un autre cténaire se nourrissant exclusivement de son cousin, et des poissons, dont la morue, se nourrissant naturellement de gélatineux. Depuis, en mer noire, la biomasse de mnemiopsis qui avant l’introduction de ses prédateurs atteignait 95% de la totalité de celle de la mer noire a baissée. Seulement, l’espèce a élargi sa répartition géographique et se retrouve à présent un peu partout dans les mers d’Europe, inquiétant à juste titre les biologistes marins et l’activité de la pêche.

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